Nous étions 57 en ce jeudi à, malgré un temps maussade, à nous retrouver sur la place de Morgny-en-Thiérache au départ de notre boucle hebdomadaire. L'atmosphère était pour le moins humide et brumeuse mais sans pluie. Heureusement, cela nous a permis de marcher les bras libres et de pouvoir les utiliser à plusieurs reprises pour conserver un équilibre souvent précaire compte tenu de l'état des chemins empruntés. La météo de la nuit n'a certes pas arrangé les choses, mais les dégradations continuelles causées par des engins agricoles de plus en plus lourds ont une grande part de responsabilité. Nos différents chemins de randonnées ne sont plus compatibles avec la cohabitation de tels engins. En cours de chemin, Sylvain notre guide culturel a profité d'un regroupement pour nous révéler quelques anecdotes sur notre village étape et sa région.

Le nom du village apparaît pour la première fois en 867 dans un cartulaire de Chaourse sous l'appellation latine de Ermoniacus. Vers 1750, Morgny-en-Thiérache est une paroisse sur la rive gauche de la rivière "La Brune" et un moulin à eau existait à cette époque. On trouvait également au nord du village un château. Avant la Révolution, le chapitre de Saint-Laurent de Rozoy dîmait (prélevait un impôt), à Morgny, pour 5/9. Les autres décimateurs étaient, le curé et l'Hôtel-Dieu de Rozoy. Tous les biens de l'église furent vendus, comme biens nationaux, à la Révolution. Aujourd'hui, le village compte une centaine de maurugniens et maurigniennes et occupe un territoire de 699 Ha réparti en: terres arables (66,9 %), prairies (27,8 %), zones urbanisées (5,4 %). Comme quelques communes de la région, par arrêté préfectoral du 20/12/2016, Morgny est détachée, le 01/01/2017, de l'arrondissement de Laon pour intégrer l'arrondissement de Vervins.

Parmi les lieux et monuments, citons l'Eglise, fortifiée, Saint-Nicolas, le monument aux morts et le circuit des lavoirs.

Morgny-en-Thiérache à compter également un fromagerie.

À la fin du XIXème siècle, un breton, Monsieur Joseph Boscher, né en 1862, vient s'installer a Reims.
Au début, il possède un magasin sur la Place des marchés actuellement la Place du Forum. Dès 1920, il édifie, au n°25 de la rue du Temple, un immeuble sur des caves voûtées. Dans la cour, des écuries comportent 14 boxes et une poulinière. Par carrioles attelées de chevaux, la livraison de lait frais se répandit dans tout Reims. Il affine aussi des petites quantités de fromage de Maroilles. Son affaire devient vite prospère.  Vers 1925, Paul et Maurice, ses deux fils, sont mobilisés au moment du soulèvement dans le RIF au Maroc laissant ainsi leur père seul aux commandes. C'est alors qu'il s'associe avec Monsieur Le Foll. Monsieur Joseph Boscher décède en 1933, laissant à la postérité ce qu'il a entreprit. Ces deux fils revenus, sont pris aussi par le "virus laitier".

Paul se marie avec Mademoiselle Madeleine Gallois et reprend la laiterie de ses beaux-parents à Courcelles près d'Aubréville dans la Meuse dont la principale activité est le fromage de Camembert. En janvier 1939, Maurice, marié avec Mademoiselle Suzanne Liger, fille d'un grand crémier à Paris, arrive à Morgny-en-Thiérache, pour reprendre une laiterie qui ne collecte que quelques centaines de litres de lait par jour. Puis au fil des mois, des années, le ramassage passe à 30 000 litres de lait par jour, occupant une trentaine de salariés. Le bâtiment principal porte le nom: Château de Morgny.
A cette époque, il n'y a pas de quotas laitiers. La production de lait est un bon revenu pour les fermiers, d'où l'expression "la vache à lait".

Des camions passent ramasser le lait stocké dans des bidons de 20 litres. Le lait est payé au litre et à la matière grasse par le comptable qui, à bicyclette, va régler les producteurs en espèce puis rapidement les chèques bancaires prennent la relève. Au commencement, la transformation n'est qu'en beurre et Maroilles, ceux-ci sont affinés dans les caves à Reims, l'excédent par des affineurs du Nord.
Le Maroilles ne pouvant absorber toute la production de lait, l'activité s'agrandit dans la fabrication
de Camemberts, gruyère. Dans les années suivantes, une extension de la fromagerie de Morgny est aménagée à Luzoir. Cette laiterie est alimentée par trois communes et le site sert uniquement à la fabrication de Maroilles. Les fournisseurs de lait, tant à Morgny qu'à Luzoir, récupèrent le sérum pour l'alimentation des porcs au prorata de leur production de lait. Par tonneaux tirés par des chevaux, puis tracteurs, ils viennent s'approvisionner quotidiennement. Ce va-et-vient apporte beaucoup d'animation dans les deux communes. Vers 1940, face à l'entrée des troupes allemandes à Reims, la production de Maroilles est descendue dans la troisième cave du commerce rue du Temple et celle-ci est murée. Après leur départ, vers 1943, la cave est ouverte et la vente de ces Maroilles "abandonnés" (cachés à l'occupant) mais encore mangeables, est réalisée en échange de tickets de rationnement. Une file d'attente est organisée pour être servi. Au fil des années, la laiterie de Morgny s'agrandit en se modernisant. Les réglementations deviennent de plus en plus rigoureuses. Dans les années 1960, il s'avère que cette industrie laitière ne peut plus prospérer. Les fabrications de fromage sont arrêtées. La collecte de lait est reprise par la fromagerie Moreau à Rouvroy-sur-Audry dans les Ardennes.
La laiterie de Luzoir, face à la conjoncture, n'a plus d'avenir. Elle s'arrête également. Monsieur Maurice Boscher repart sur Reims, sa ville natale.

La fromagerie de Paul Boscher est reprise par la société Martin-Collet puis par le groupe Besnier.